jeudi 31 mai 2012

lisant 2

En même temps que la sortie de son nouvel album, Dominique A (Ané) fait paraître un livre autobiographique où "il tente de comprendre pourquoi ce lieu, par-delà les années, entre attirance et répulsion, ne cesse de le hanter" (extrait 4e de couv).



Un court passage marque mon attention par sa proximité d'idées déjà rencontrées dans des textes de Jacques Roubaud et en particulier dans son Projet du "Grand incendie de Londres" où, en définitive, après avoir mûrement prévu une oeuvre (son grand Projet en prose, poésie et mathématique) il se résout à en présenter une toute autre qui est celle éditée. Un constat d'impuissance en définitive comme en conclue Dominique A mais qui n'a rien à voir avec un manque de volonté mais plutôt une clairvoyance sur l'incapacité et/ou les aléas de la vie qui modulent/modèlent le trajet initialement prévu.

" A l’époque ou je vois Vincent, je tente d’écrire des nouvelles. Je ne m’y suis pas essayé depuis l’enfance, tétanisé par ma vénération pour la littérature, et redoutant le syndrome du « livre de chanteur ». Mais je persévère cette fois, parce qu’on m’y encourage, et qu’écrire consiste peut-être en ça aussi : reconnaître son impuissance à le faire, et s’y atteler malgré tout. Vivre nous apprend bien que nous ne savons pas vivre, et nous le faisons quand même. Si au bout il y a un livre, tant pis si ce n’est ps celui qu’on voulait faire. Un livre est un regret, mais au moins est-il délesté de celui de ne pas l’avoir écrit. "
"Y revenir" Dominique Ané Ed. Stock



vendredi 18 mai 2012

lisant


Etudiant, j’ai travaillé sur l’objectivité de l’image au travers de la photo et  suis arrivé au photomaton.
Dans « Photomaton » de Raynal Pellicier (Ed de la Martinière), outre l’ aspect historique, il y parle de différents artistes qui ont travaillé à partir du photomaton.
L’approche de Michel Folco a raisonné d’une façon assez familière, non pas par le rapprochement (lointain maintenant) que j’ai avec le photomaton mais avec celui de la collection et de la collecte.
Je retrouve des sensations similaires lorsqu’il parle de frustration, de son aspect maniaque, d’édifice qui s’écroule lorsque que je me retrouve en chasse de ventouses dans les vides greniers.






Je retranscris le texte intégralement.


« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours trouvé des photos dans la rue ; mais on peut dire que tout a commencé au début des années 80, le jour où je me suis baissé pour les ramasser.
L’aiguillon principal de tout collectionneur étant la frustration, que seule la possession d’une nouvelle pièce parvient à atténuer provisoirement, j’ai vite cessé de compter sur le hasard pour trouver mes photos et je me suis mis à en chercher. Habitant Paris, en face de la gare de Lyon, je pris l’habitude, chaque matin, de me livrer à l’inspection des cinq machines qui s’y trouvent. De deux à trois portrait mensuels, je passai à trois ou quatre par semaine, améliorant sensiblement mon score quand j’ajoutais à mon circuit les trois machines de la gare d’Austerlitz toute porche.
Un jour j’ai acheté un Solex, histoire d’inclure dans ma tournée les autres gares parisiennes. De trois à quatre phots par semaine, mon score grimpa ainsi à quatre ou cinq par jour. L’authentique maniaque gravie dans un univers totalitaire qu’il a péniblement édifié sur des lois (rigoureuses), des accords (inamovibles), des valeurs (immuables) qu’il tient pour absolus. C’est pour cela qu’il ne peut admettre la moindre dérogation à sa manie faisant aussitôt couler l’édifice. Mon édifice de photomaton s’écroula le jour où ma montre cessa de fonctionner, m’empêchant de noter l’heure précise de ma dernière trouvaille. Cette fissure s’agrandit en brèche la nuit où d’indélicats individus me dérobèrent mon Solex et ses trois antivols, portant un sérieux coups à ma production. Un jour je remis le pensum lavage-séchage-collage-légendage au lendemain. Peu à peu les photos s’accumulèrent dans une boîte à  chaussures et je finis par les oublier. Ce n’est que quatre ans plus tard, lors d’un déménagement, que j’exhumai ces carnets remplis de « tronches » reniées par leurs propriétaire. Leur classement chronologique m’avait empêché à l’époque d’avoir une vue d’ensemble et de comprendre que cette accumulation prenait un sens si je la rangeais par thème.
Il y avait ainsi la série de ceux qui, pris de doute, voulaient se recoiffer à l’instant précis où se déclenchait le flash… De ceux qui n’avaient rien compris au fonctionnement de la machine et que le flash avait surpris en train de tripoter les bouton… Et ceux qui fermaient les yeux, qui grimaçaient, qui réajustaient le rideau…
Il y avait la série réservée aux bavures, parfois surréalistes, de la machine détraquée…
Et puis il y avait ce type que j’avais trouvé semaine après semaine, toujours à la gare de Lyon, toujours dans le même poubelle. Qui était donc l’excentrique qui se faisait régulièrement tirer le portrait et qui, tout aussi régulièrement, le déchirait en petits morceaux avant des les jeter? Le mystère dura des mois. Un après-midi de décembre, je tombai nez à nez avec lui : accroupi devant la machine béante, les deux bras plongés dans le mécanisme, il la réparait avec application. »
Michel Folco
(Ancien photographe de presse de l’agence Gamma, il est aujourd’hui écrivant. Sa collection de photomatons a inspiré le personnage de Nino dans le « Fabuleux destin d’Amélie Poulain » de Jean-Pierre Jeunet. NDA)